Mesdames et Messieurs,
La commémoration du jour anniversaire de la création de l’OUA, devenue Union Africaine, nous donne à nouveau l’occasion, non seulement de réaffirmer notre détermination à bâtir un avenir meilleur pour notre beau continent, mais aussi de sublimer notre héritage culturel, précieux legs de riches civilisations millénaires, forgées par nos aïeux.
Cette commémoration revêt cette année un cachet particulier, par la singularité de son thème qui proclame, je cite : « Justice et réparation pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine ».
Ce thème, adopté lors du 38ᵉ sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Union Africaine, tenu à Addis-Abeba en février dernier, convoque la mémoire collective à revisiter l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité. Une page que personne n’a le droit d’oublier : à savoir, la déportation massive des Africains vers les Amériques et leur cruelle soumission à un esclavage brutal. Mais cette page est aussi celle de leurs peuples et de leur résistance héroïque face à leurs bourreaux.
Ce thème vient donc rappeler le souvenir d’un crime longtemps occulté : un crime contre l’humanité. Il restitue, de manière implicite, la tragédie du commerce triangulaire et de l’esclavage, à la place qui, depuis bien longtemps, aurait dû être la sienne dans la conscience des hommes.
C’est pour répondre à notre devoir de mémoire, pour empêcher l’oubli, mais aussi pour réclamer justice, que ce thème a été instruit. En choisissant ce thème, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine appellent, en réalité, la communauté des nations à reconnaître qu’il existe une dette morale sans précédent vis-à-vis des peuples africains, et que cette dette induit, au minimum, réparation et compensation.
Aujourd’hui, l’Afrique est à la croisée des chemins. Elle doit forger une puissance économique incontestable. Ce n’est qu’en devenant à son tour un géant parmi les géants, en créant les conditions d’une prospérité durable et partagée sur l’ensemble de son espace souverain — à l’instar des grands pays industrialisés tels que les États-Unis d’Amérique, la Chine, le Japon, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, le Brésil, la Russie ou l’Inde, pour ne citer que ceux-là —, ce n’est qu’en devenant à son tour un géant, disais-je, que l’Afrique contribuera au rééquilibrage des rapports dans le monde.
Comme l’a récemment déclaré l’excellent Filenga, l’historique projet des États-Unis d’Afrique, légué par les pères fondateurs de l’Union Africaine, ne peut pas être un sujet tabou. Bien au contraire, il doit aller jusqu’au bout de son ambition. Et l’on ne peut que se réjouir du jalon hardi qui a été posé avec la mise en circulation, voici quelques années, du passeport panafricain, devant permettre la libre circulation, partout en Afrique, des citoyens de tous les pays africains.
Ce noble projet ne peut indéfiniment demeurer dans le domaine de l’utopie, sans que cela ne nous discrédite quelque peu, sans que cela ne nous disqualifie devant l’histoire.
Les élites africaines et les intelligences de tous bords doivent approfondir la réflexion, notamment sur :
- la nécessaire convergence des économies africaines ;
- la création d’une force militaire africaine intégrée ;
- l’élaboration d’une politique étrangère consensuelle et mesurée ;
- la mise en place d’instruments monétaires innovants et inclusifs ;
- et la construction de paradigmes linguistiques intrafricains, au nom de l’authenticité et de la diversité des expressions culturelles valables dans toutes les régions du monde.
Enfin, l’Afrique ne peut se permettre de perpétuer elle-même la balkanisation de son territoire et l’écartèlement de ses peuples, tel que cela avait été décidé à la Conférence de Berlin, voici bientôt un siècle et demi. Car voilà précisément l’une des sources principales de son affaiblissement continu.
Bien au contraire, à l’heure des grands ensembles et des grands blocs, notre continent doit se libérer de lui-même et cesser d’être prisonnier de ces frontières étriquées, qui rendent stérile toute grande ambition.
Constant dans son engagement pour la cause de l’unité africaine, le Congo poursuivra invariablement son combat, aux côtés des autres pays du continent, pour l’intégration effective des économies et pour l’émancipation intégrale des peuples.
Mesdames et Messieurs,
le destin de l’Afrique est, pour l’essentiel, entre nos mains.
Ensemble, répondons à l’appel de l’histoire et faisons de l’Afrique l’une des puissances incontournables du Sud global.
Vive l’Union Africaine.
Vive l’Afrique.
Je vous remercie.